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L'archéologie des aqueducs romains

ou les aqueducs romains entre projet et usage



Philippe Leveau © 2004

TRAIANVS © 2004


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Publicado en:
Elementos de Ingeniería Romana
Libro de ponencias
Congreso Europeo "Las Obras Públicas Romanas"
Tarragona, noviembre de 2004



Introduction : la place de l'enquête archéologique

Qu'est-ce que l'archéologie des aqueducs romains ? En me demandant de traiter cette question pour un colloque réunissant essentiellement des ingénieurs, ses organisateurs me posent une question de définition qui m'embarrasse. Si en effet la spécificité de l'archéologie par rapport aux autres disciplines d'étude de la période antique, -l'histoire et la philologie-, est d'aborder une question sous l'angle des choses matérielles, les premiers archéologues des aqueducs sont des ingénieurs et des architectes qui, au XIXe s., se sont intéressés aux travaux hydrauliques antiques. Appelé à réaliser le drainage du bassin du Fucino dans les Abruzzes, l'ingénieur Franz Mayor de Montricher avait observé les galeries creusées sur l'ordre de l'empereur Claude qui voulait faire d'une entreprise à laquelle Auguste avait renoncé une des gloires de son règne. En 1847, en construisant sur le canal qui amenait les eaux de la Durance à Marseille un pont conçu à l'imitation du Pont du Gard, le pont de Roquefavour, mais en plus haut et plus long, le même entendait prouver que, par ses prouesses techniques, l'ingénieur moderne dépassait l'ingénieur antique.

Lorsque l'archéologie s'est développée comme discipline, les aqueducs ont relevé de l'archéologie monumentale conçue plutôt comme une branche de l'histoire des Arts. Celle-ci avait pour objectif principal de reconstituer un monument, d'en restituer le projet initial ou le fonctionnement optimal. Les archéologues qui s'y sont intéressés ont été surtout des architectes et leur attention s'est portée sur les ouvrages d'art, les grands ponts aqueducs. Depuis l'archéologie a évolué. Le regard de l'archéologue s'est affranchi d'une stricte dépendance par rapport à celui de l'architecte et de l'ingénieur pour tenter de répondre à des questions nouvelles. Il aide à reconstituer le projet de l'ingénieur. Mais ce qui lui est propre est la restitution d'usages qui se sont modifiés durant leur longue utilisation par l'observation des contextes archéologiques.

Pour montrer cet apport, je partirai du projet hydraulique commun aux ingénieurs auxquelles les cités ont confié leur approvisionnement en eau. Comme tout modèle, celui-ci n'est pas la réalité historique, mais il aide à comprendre les ouvrages effectivement réalisés. L'ingénieur auquel avaient été donnés un budget et un cahiers de charge devait l'utiliser dans un contexte hydraulique et géographique spécifique. Par la suite, cet ouvrage a été modifié en fonction des besoins en eau de la cité qui l'avait commandité, des technologies nouvelles apparues et des difficultés rencontrées dans son entretien. Ces modifications ont pu être imposées par le milieu. Mais elles correspondent aussi à des conflits sociaux ou à des changements dans les usages de l'eau. C'est sur tout cela que l'archéologie renseigne et dont il sera question ici.


I - L'aqueduc : du projet à sa mise en ouvre


Les conditions générales

La généralisation de la construction des aqueducs est mise en relation avec Rome. Le fait n'est pas contestable. Ce qui l'est moins, ce sont les explications qui en sont proposées. Au XIXe s., un savant allemand proposait d'expliquer par une question de mentalité la différence entre les ouvrages romains et les aqueducs construits à l'époque grecque classique. " Dans tous leurs aménagements, les Grecs s'adaptaient à la nature et savaient leur trouver des analogies dans les dispositifs apparentés existant dans la nature. " Cette adaptation au modèle de la nature et aux dispositions du terrain constitue un principe proprement grec appliqué à la construction des aqueducs ; elle s'oppose à la pratique des Romains, ceux-ci, dans leur manière impérialiste, préféraient la ligne droite pour conduire les eaux de la source au chef-lieu de la cité ; ils élevaient de cette manière de hautes constructions somptuaires, rendues ainsi indépendantes des contraintes du terrain " (van Buren 1955 : 465). L'idée a séduit. La différence entre aqueducs grecs et romains recoupait en effet l'opposition entre le Romain volontariste et brutal, impérialiste même avec la nature, et le Grec, astucieux et fin, soucieux de s'adapter à la nature en la respectant. Un canal suivant les courbes de niveau serait de conception typiquement hellénique, alors que les Romains auraient construit des ouvrages que ne déviaient de leur tracé ni les montagnes qu'ils perçaient ni les vallées sur lesquelles ils jetaient des ponts. Cette opposition fallacieuse résulte d'un processus d'idéalisation du vaincu qui a séduit les hellénistes. Dans ses travaux sur la gladiature, L. Robert a montré que les Grecs n'étaient pas moins amateurs de spectacles cruels que les Romains. Inventeurs de l'esclave marchandise, les Athéniens n'ont pas construit que le Parthénon, mais aussi un Empire que les autres cités ont combattu. La réalité est différente. Ce qui rend possible la multiplication des aqueducs dans les provinces de l'Empire, ce sont des progrès techniques et la capacité de dégager les moyens humains et financiers nécessaires à des réalisations qui excédaient les possibilités des cités individuelles. Je commencerai donc par les présenter rapidement en partant d'une définition sommaire de ce type d'ouvrage.

Un aqueduc est un conduit maçonné assurant le transport de l'eau par écoulement gravitaire d'une source à une agglomération urbaine qui peut se trouver à plusieurs dizaines de kilomètres. Cette conduite qui assure à la ville antique une indépendance caractéristique par rapport aux ressources hydriques, gagne à être la plus courte et la plus directe possible. À l'époque romaine, l'ensemble des progrès accomplis pour réaliser cet objectif peut être synthétisé sur un schéma de l'adduction d'eau qui est resté valable depuis la construction des aqueducs romains jusqu'à l'époque industrielle.


Construire des ouvrages d'art

Démentant la thèse ancienne du « blocage des techniques », les ingénieurs de l'époque romaine disposent d'instruments qui exploitent des connaissances scientifiques acquises anciennement. Elles acquièrent leur pleine efficacité grâce à la capacité romaine de mettre en place et de gérer des chantiers d'une grande complexité. Héritiers et les continuateurs des rois hellénistiques successeurs d'Alexandre et fondateurs de villes, les Empereurs romains s'appuient sur le même personnel d'architectes et d'ingénieurs hydrologues. Mais ils en élargissent le champ d'intervention à l'ensemble de l'Empire.


Les ponts

Les grands progrès accomplis dans l'art de construire sont mises en ouvre dans les grands chantiers urbains des cités provinciales à l'imitation de ceux de la ville de Rome. La construction d'aqueducs en bénéficie au même titre que toutes les activités du bâtiment. Ainsi la construction des ouvrages d'art que sont les ponts d'aqueducs n'aurait pu être menée à bien sans la mise au point du système de la voûte clavée « à poussée ». « L'honneur revient aux architectes romains de l'époque tardo-républicaine, d'avoir osé libérer la voûte qui n'était qu'un trou dans une masse pour en faire un volume à l'air libre » (Adam 1989, 180). Mais l'autre secret de la réussite est la maîtrise acquise dans la confection de l'opus caementicium. Celui-ci ne permet pas seulement à une main d'ouvre peu spécialisée de réaliser les volumes considérables de maçonneries que requièrent de tels monuments. La qualité des mortiers permet de réaliser une voûte qui, la prise terminée et le cintre retiré, se comporte comme « un monolithe dans lequel on a creusé un volume » (Adam 192), la « voûte concrète ». Ajoutons pour terminer sans entrer dans le détail, que les aqueducs bénéficient d'un autre progrès accompli dans la fabrication des mortiers avec la mise au point des « mortiers de tuileau ».

Il existe une importante littérature sur les ponts romains, dont en particulier une synthèse de C. O Connor (1993). Le pont aqueduc le plus souvent étudié est le plus célèbre d'entre eux, le Pont du Gard qui doit la place qu'il occupe à la perfection de son architecture et à l'ampleur de ses arches : 24,52 m pour l'arc central et 19,20 pour les arcs latéraux, ce qui le place loin devant les dimensions des ponts routiers de Narbonnaise (16,20 m pour l'arche centrale du Pont Julien et 15 m pour celle du pont de Vaison) (Mignon 2003, 81).

L'organisation du chantier du Pont du Gard avait déjà donné lieu à des hypothèses formulées par l'architecte russe I. S. Nikolaiev sur les travaux duquel P.-M. Duval avait attiré l'attention. Ces évaluations méritaient d'être reprises à partir d'une meilleure connaissance de l'ouvrage et de travaux réalisés depuis sur les techniques de levage. Deux séries d'observations viennent en effet d'être faites sur le chantier du Pont du Gard. Les premières résultent de la fouille programmée de la carrière de l'Estel située quelques centaines de mètres en aval qui a fourni les matériaux : elles portent sur la question de l'approvisionnement en matériaux du chantier. Les secondes ont été permises par la grande crue de septembre 2002 qui a mise au jour les traces laissées par des engins de levage en rive droite. À la lumière de celles-ci et des études conduites sur la carrière, J.-C. Bessac a localisé l'emplacement de plusieurs engins, dont un mat de levage situé à l'amont de la cinquième arche (Bessac 2004). Le maniement des engins de bardage et de levage était restitué essentiellement à partir des textes de Vitruve et des architecti et mécaniciens antiques (Callebat 1986, 7-11 et 88-105), de comparaison avec la construction médiévale ou moderne et de l'iconographie, dont le fameux relief des Haterii (Adam 1989, 46-49). Les observations faites sur les monuments construits étaient peu nombreuses et portaient sur les cavités utilisées pour le maniement des blocs (id., 50-52). Ces découvertes permettent donc d'envisager un renouvellement de nos connaissances.

À partir d'une tentative de reconstitution du chantier, de son organisation et d'une évaluation du rendement moyen de la main d'ouvre, I. S. Nikolaiev avait montré que selon le type d'engin de levage utilisé, le nombre d'ouvriers pouvait varier entre 700 et 750 et proposé 2 à 3 ans pour la durée du chantier. J.-L. Paillet opte pour un effectif de 500 ouvriers ayant travaillé sur le chantier du pont du Gard. En définitive, envisagées en journées-hommes, ces chiffres se recoupent. Moins d'ouvriers suppose un chantier plus long : J.-L. Paillet évalue en effet à 5 ans sa durée au lieu de 3 ans.


Les tunnels

Longtemps, l'attention s'est portée exclusivement sur les ponts des aqueducs. La sous-évaluation des travaux souterrains est liée à leur enfouissement et aux difficultés d'accès ainsi qu'à l'utilisation inappropriée d'une inscription aussi célèbre qu'exceptionnelle, la base funéraire du librator Nonius Datus. Etudié hors de son contexte archéologique, ce texte a accrédité l'idée selon laquelle la réalisation de travaux souterrains était exceptionnelle. Les mérites de Nonius Datus sont incontestables ; ils illustrent parfaitement la valeur du corps des topographes créés entretenus dans le cadre de l'armée. Mais la construction d'un tunnel de 428 m sous le col d'El Abel pour conduire l'eau de Toudja à Bougie (CIL VIII, 2728 = ILS 5795) est une réalisation moyenne qui entre dans la longue série recensée par K. Grewe (1998) dans l'ouvrage qu'il a consacré aux ouvrages souterrains. Dans ce domaine, les ingénieurs romains ont utilisé des techniques dont on attribue la mise au point à la fois aux mineurs, constructeurs des premières galeries, et aux hydrauliciens qui captèrent des sources. Nonius Datus rappelle la bonne procédure. C'est celle qu'utilisaient déjà les Iraniens pour construire les qanats, galeries souterraines destinées à l'irrigation dont la plus longue atteint une centaine de kilomètres. Un tracé était à partir de la surface. Puis, on creusait des puits depuis la surface jusqu'au niveau souhaité ; chaque puits était ensuite relié aux autres par des galeries horizontales dans lesquelles était ensuite construit le canal. Le problème était de faire se rejoindre les galeries lorsque les puits étaient espacés (cas des galeries creusées à grande profondeur) ou lorsque celles-ci étaient creusées sans puits intermédiaire en partant des deux côtés d'une montagne comme la galerie que ne parvenaient pas à construire les habitants de Bougie. En Italie, où cette architecture souterraine bénéficiait d'une tradition issue vraisemblablement des Etrusques, elle fut utilisée d'abord pour le contrôle de l'eau dans les cratères volcaniques et les dépressions karstiques des Apennins et pour leur bonification par drainage avant d'être appliquée au franchissement d'obstacles par les galeries d'aqueducs. L'exemple des aqueducs de Rome permet d'en mesurer l'apport. En 145 av. J.-C., sous la République romaine, le consul Marcius Rex entreprit la construction d'un aqueduc auquel il laissa son nom, l'Aqua Marcia, qui mesurait 97,27 km de long. Ce fut le premier aqueduc à être porté sur des arches dans son parcours aérien. Deux siècles plus tard, en 50 ap. J.-C., l'Empereur Claude fit construire un nouveau canal dont la tête se trouvait à seulement 150 m du précédent ; il ne mesurait plus que 68,93 km. Ce raccourcissement était permis par les ouvrages d'art, ponts et tunnels.

S'agissant du creusement des tunnels, la distinction essentielle porte sur la taille de l'entreprise. N. Coulet a consacré une brève note au drainage d'une petite dépression de Basse Provence orientale par un simple menuisier qui montre la simplicité de l'opération quand elle est de petite dimension. L'outillage est celui du carrier et les principes sont connus depuis longtemps (cf supra). K. Grewe (1998) a montré comment à partir des traces laissées par leur mise en ouvre, il était possible de reconstituer la manière dont avait été conçue puis mise en ouvre la construction d'une galerie destinée au passage d'un aqueduc. À titre d'exemple, on peut examiner, sur l'aqueduc de Nîmes, le cas des deux galeries de la Pérotte et des Cantarelles creusées dans la molasse tendre de part et d'autre du vallon des Escaunes à Sernhac qui ont fait l'objet de deux études complémentaires, la sienne et celle de J.-C. Bessac (in Fabre et al. 2000, 376-405). Longues de 65,50 et 59,30, elles mesurent environ 2 m de large sur 3 m de haut, ce qui offrait la possibilité d'y construire le specus. L'observation des traces laissées par les outils permet de reconstituer l'opération de creusement. Celle-ci a été réalisée à partir des deux extrémités et depuis des puits d'extraction selon la technique signalée plus haut. Une première galerie « de pilotage » était ouverte selon un tracé en ligne brisée qui présentait sur la ligne directe l'avantage d'assurer la rencontre à deux équipes travaillant l'une vers l'autre, à partir du moment où les deux galeries étaient creusées au même niveau. On ouvrait ensuite la galerie définitive.

J.-C. Bessac a évalué le personnel et le temps de travail nécessaire à l'opération : un peu plus de deux mois pour 130 m de galerie avec 14 équipes de 2 mineurs assistés d'une quinzaine de manouvres chargés de l'évacuation des déblais, soit un total de 43 personnes pour un résultat journalier de 2,16 m. En un peu plus six mois supplémentaires (185 jours), les mêmes équipes ont pu continuer dans le même secteur en ouvrant 400 m de tunnel sous la garrigue de Sernhac. Il reste maintenant à s'attaquer à l'évaluation du temps et des équipes nécessaires au creusement d'ouvrages importants, pour lesquels on dispose d'une référence : le chiffre que donne Suétone pour le creusement de la galerie du Lac Fucin : 30 000 h.

Mais il reste beaucoup à faire. Les travaux de K. Grewe, ceux de I. Riera (1994) démontrent l'intérêt actuellement portés aux tunnels des aqueducs. En Italie, une étude récente a porté sur un aqueduc de cité, celui de Bologne, fut construit dans sa quasi-totalité en souterrain sur des distances considérables. En Gaule Narbonnaise, en dehors du cas de Sernhac, les recherches restent limitées. Ainsi, à une époque vraisemblablement proche de celle durant laquelle fut construit le Pont du Gard, le défi de la construction d'un tel tunnel été relevé avec succès par les ingénieurs qui eurent à conduire à Aix-en-Provence, Aquae Sextiae, les eaux captées près de Jouques dans le val de Durance. Pour gagner la ville, l'aqueduc de la Traconnade devait parcourir plusieurs kilomètres sous le plateau qui sépare la vallée de l'Arc de celle de la Durance. L'entrée du tunnel est connue et son tracé identifié par des puits de construction de plusieurs dizaines de mètres de profondeur. De tels ouvrages n'étaient pas hors de la portée des capacités techniques de l'époque : la galerie de vidange du Fucino, une des grandes ouvres de l'empereur Claude passe à 122 m de profondeur.


L'établissement d'une pente régulière ; les escaliers hydrauliques

Dans la construction d'un aqueduc, il est essentiel d'assurer la régularité de l'écoulement des eaux. Le calcul de la meilleure pente s'appuie sur la topographie précise du parcours de la canalisation. Dans son ouvrage sur les aqueducs romains, A. T. Hodge illustre ce fait par l'exemple du défi opposé par la topographie aux ingénieurs romains par la construction de l'aqueduc de Nîmes. Les nouvelles données disponibles (Fiches et Martin in Fabre et al. 2000, 133-137) montrent que la performance est encore plus remarquable que ne le laissaient penser les chiffres dont il disposait : 12,35 m (et non 17 m) séparent Nîmes de la Fontaine d'Eure, près d'Uzès. En ligne directe, cela correspondait à une distance de 20 km, soit à une pente (idéale) de 0, 617 m au km. Mais l'ouvrage construit franchissait le Gardon à proximité de Remoulins, il était deux fois et demi plus long - environ 50 km- ce qui lui donnait une pente moyenne de 0, 248 m au km, soit moins de 5 cm de plus que celle que préconisait Pline comme limite inférieure à ne pas dépasser. Il existait bien une différence de pente entre les deux secteurs amont (31 % du parcours) et aval (69 %) de l'aqueduc. Mais, entre la source et le Pont du Gard, elle est moins forte que l'on ne pensait : 0,37 cm et non plus 0,67 cm au km.

Une comparaison entre un ouvrage idéal et l'ouvrage construit éclaire le choix de parcours opéré par les ingénieurs. Le percement d'un tunnel de 10 km sous le massif des Garrigues de Nîmes entre Saint-Nicolas et Nîmes aurait permis d'assurer à l'aqueduc la pente la plus proche de celle qui est préconisée par Vitruve. Une telle possibilité doit être envisagée avec sérieux.

L'attention apportée à la prouesse des ingénieurs qui surent conduire la canalisation de l'aqueduc de Nîmes sur une pente particulièrement faible ne doit pas occulter la contrainte inverse : ne pas donner une pente trop forte à la canalisation. En effet dans une conduite où l'eau coule par gravité, un écoulement trop rapide risque d'entraîner une usure rapide du canal. Les manuels modernes conseillent des pentes adaptées au matériau sur lequel coule l'eau : des maxima vont de 2,11 m pour des cailloux agglomérés et des schistes tendres à 7,43 m au kilomètre pour le granit. Lorsque la pente devenait trop forte, pour éviter la dégradation du canal, il faut établir freiner la vitesse d'écoulement et en absorber l'énergie. Les dispositifs prévus à cet effet sont resté longtemps mal connus. C'est en effet à une date très récente qu'un ingénieur, H. Chanson, en a fait l'objet d'une recherche spécifique (Chanson 1998).

Ils consistent en une succession de courts plans inclinés séparés par des puits de rupture de pente de section carrée, rectangulaire ou circulaire. Lorsque la pente est plus faible, les plans inclinés sont remplacés par des paliers à déclivité normale séparant des puits. Commandés par la topographie générale d'une région, tels dispositifs se rencontrent sur toutes les sections d'un aqueduc, aussi dans la partie supérieure qu'à proximité du point d'aboutissement. Il convient maintenant de corriger le schéma de construction d'un aqueduc pour faire à ces dispositifs la place qui leur revient.

En Gaule, le cas, maintenant le mieux documenté est celui des deux aqueducs les plus pentus qui alimentaient Lyon, ceux de l'Yzeron et la Brévenne. Sur l'Yzeron, au Récret (Grézieu-la-Varenne) où le canal aborde une section à pente très forte (80 m au kilomètre), J. Burdy (1991, 73-81) a mis en évidence deux puits carrés distants de 490 m et de 38 m dénivelé entre lesquels il restitue une douzaine de puits analogues séparant des tronçons de 30 à 100 m. Ainsi un escalier hydraulique permettait de donner au canal une pente de 1 m au km, là où, à défaut, la pente aurait été huit fois plus forte. Au total, l'installation était longue de 2 km et devait comporter une cinquantaine de puits. Sur une autre branche du même aqueduc, celle de Vaugneray, le même (1991, 67-68) signale une autre série comportant probablement 7 chutes, hautes de 2,5 à 3 m, situées à intervalle d'une quarantaine de mètres en moyenne sur une distance de 250 m. Sur l'aqueduc de la Brévenne, il avait également montré qu'il devait exister au moins 5 dispositifs importants sur un parcours de 70 km entre la source et le siphon d'Ecully (1993, 161-165). À Vaugneray et au Recret, la pente autorise un dispositif en escalier dans lequel des puits se répartissent irrégulièrement selon la pente. À Chavinay, au lieu dit Plainet, où l'aqueduc chute d'environ 87 m sur une distance d'environ 275 m (pente moyenne de 33 %), il a fallu mettre en place un dispositif différent. J. Fages en a dégagé une section longue de 18,5 m pour une dénivellation de 5,82 m. Large d'un mètre environ, le canal est délimité par des piédroits dans lesquels des cavités espacées de 2,30 m ont été aménagées par paires, 15 à 25 cm du fond au-dessus d'un radier constitué de trois séries de dalles de gneiss alignées, une rangée centrale et deux séries de dalles latérales partiellement en appui sur les dalles centrales. J. Fages (2000) restitue un dispositif de planches appuyées sur les madriers pour freiner le courant.


La mise en place du specus : les sections d'un aqueduc

Le « modèle » de construction d'un aqueduc qui vient d'être brièvement présenté peut être complété par l'observation sur le terrain d'anomalies qui s'expliquent par des procédures que n'évoquent pas les textes. La première est la réalisation d'une sorte de canal d'essai préalable à la construction de l'ouvrage définitif. La trace d'un tel canal a été observée par K. Grewe dans le secteur de Mechernich sur l'aqueduc qui amenait l'eau de l'Eifel à Cologne après un parcours long de 110 km. Dans la forêt, elle apparaît sous la forme d'un fossé peu profond comblé par des déblais. Dans la plaine, elle se manifeste par une trace double, dont une seule correspond à l'ouvrage effectivement construit. Dans les deux cas, des fouilles ont permis de vérifier la matérialité de ce creusement (Grewe 1985, 24-42).

Ce qu'au XIXe s., P. de Gasparin a observé sur l'aqueduc du Gier à Lyon est sensiblement différent. Il s'agit d'une tranchée que l'on suit maintenant sur plus de 40 km parallèlement à l'aqueduc, 7 à 15 m au-dessus de l'aqueduc. Il l'interprétait comme le travail préparatoire effectué pour un tracé qui a reçu un début d'exécution, puis a été abandonné pour un tracé plus bas. C. Germain de Montauzan a discuté cette hypothèse et a proposé cinq autres hypothèses : fossé marquant une zone de protection, sentier de service, essai préparatoire, protection contre les venues d'eau ou, au contraire, système d'amenée d'eau pour le chantier. J. Burdy n'en retient aucune et marque sa préférence pour la proposition primitive faite par de Gasparin (Burdy 1996, 298-305).

Sur l'aqueduc de Carthage, près de l'oued Miliane, à proximité d'Oudna, le specus qui reposait à la fleur de sol s'élève à l'approche d'une vallée et aborde un parcours sur arches. À cet endroit, une différence de niveau d'une quarantaine de cm entre les radiers des deux sections a été rattrapée par une semelle de mortier de tuileau, régularisant la pente. Le décalage qui existe entre les deux radiers et qui a disparu au niveau du plancher du specus, ne peut guère s'expliquer que par la rencontre de deux équipes. L'une d'elles, celle qui avait en charge la construction des arcades de franchissement du fleuve ou l'autre qui construisait la section amont, a fait une erreur de nivellement -facilement récupérable. - qui matérialise leur rencontre.

Les rencontres entre équipes ne se traduisaient pas toujours par des corrections de nivellement. L'observation archéologique relatée valide seulement une idée au demeurant simple et logique qui rend compte de la rapidité d'exécution de ces ouvrages. Comme les travaux modernes, les travaux antiques étaient réalisés par sections dont la construction était menée simultanément sous l'autorité d'un ingénieur qui assurait la coordination de chantiers pouvant réunir des milliers d'ouvriers, trente mille rapporte Tacite pour la construction de l'émissaire du Fucino. C'est cette organisation qu'a tenté de mettre en évidence K. Grewe en exploitant des données topographiques dans deux études qu'il a conduites, l'une sur l'aqueduc de Cologne dont il vient d'être question, l'autre sur un ouvrage de bien plus faible dimension, le petit aqueduc de Siga en Algérie (Grewe 1985). Il a montré qu'un relevé topographique pouvait rendre compte de l'organisation générale du chantier : des changements dans la pente du canal peuvent permettre de distinguer les sections prises en charge par des équipes différentes.

Un retour sur le cas emblématique de l'aqueduc de Nîmes montre ce que l'on peut tirer de cette méthode en prenant pour base les travaux de topographie conduits en 1989 par le département de Génie Civil de l'IUT de Nîmes. Jusqu'alors, les relevés des pentes permettaient de distinguer quatre sections : de la source d'Eure au Pont du Gard (au km 16) une pente moyenne de 0,67 m ; du Pont du Gard à Saint Bonnet (k 16 à 26), 0,07 m ; de Saint-Bonnet à Saint-Gervasy (km 26 à 38), 0,17 m ; de Saint-Gervasy à Nîmes (km 38 à 50), 0,30 m . Les nouveaux relevés ont montré qu'en fait les pentes variaient de 0 à plus de 4 m au km et que le profil se décomposait en une succession de « neuf séquences [.] suivies d'un tronçon à forte pente directement à l'amont du castellum ». Cela J.-L. Fiches et Martin conduit à une observation qui recoupe celles de K. Grewe : « Ces séquences peuvent [.] refléter un découpage préalable du tracé par rapport à des repères topographiques, voire une organisation du chantier de construction par étapes ou entre plusieurs équipes » (in Fabre et al. 2000, 134).


II - Les usages

Le traité de Frontin sur les aqueducs de Rome et, pour la Gaule et les Germanies, des monographies comme celles qui ont porté sur les deux grands aqueducs de Cologne et de Nîmes ou les recherches de J. Burdy sur les aqueducs de Lyon, permettent de restituer des projets précis inscrits dans un milieu spécifique d'où ils tirent leur originalité. Leur examen a permis de dresser l'inventaire de la série des solutions apportées par les hydrologues romains à la conduite de l'eau. Je n'irai pas plus loin dans cette voie pour m'orienter vers une autre : montrer le parti que l'on peut tirer de cas plus difficiles, ceux des ouvrages dont la planification a été incertaine ou bien qui ont subi des modifications soit parce que leur fonctionnement ne donnait pas (ou ne donnait plus) satisfaction ou parce que place devait être faite à de nouveaux usages. Les grands aqueducs parfaitement planifiés dont il a été question n'y ont pas eux-mêmes échappé. Ceci constitue un des aspects importants du traité de Frontin. Mais c'est là que la contribution de l'archéologie la plus importante. Là comme dans bien d'autres cas, on se rend compte que l'archéologie permet de relire les textes dont on pensait l'intérêt épuisé.


1 - Les adaptations du tracé

L'enquête archéologique de terrain permet une première constatation : les tracés varient pour deux raisons que nous examinerons successivement. La première est que dans un premier temps l'objectif de l'alimentation de la ville en eau pérenne n'était pas atteint. La seconde est que l'entretien ou le maintien d'une canalisation implantée dans un milieu parfois instable n'était pas assuré. Dans les deux cas, des corrections de parcours s'avéraient nécessaires


Plus d'eau

Le premier cas, celui du renforcement des débits, peut être examiné à partir de trois exemples choisis pour leur valeur démonstrative qui correspondent à autant de situations différentes qui ont été établies par des procédures archéologiques différentes. Ils concernent, le premier, une ville pérégrine d'Aquitaine, Saintes, les deux autres des colonies romaines de Narbonnaise. Dans leur état premier, ces ouvrages sont à peu prés contemporains.


Saintes

Saintes, Mediolanum Santonum, est le chef-lieu de la grande cité des Santons dont l'aristocratie riche et puissante occupait à l'époque augustéenne une position importante au conseil des Gaules. La ville a fait l'objet d'une importante monographie due à L. Maurin (1978, 100-105) qui, par la suite, a repris les données sur la campagne dans un volume de la Carte Archéologique départementale de la Gaule (1999). L'aqueduc qui alimentait la ville constitue un excellent exemple des questions d'interprétation posées par l'hétérogénéité des conduites.

Sa connaissance avait été renouvelée par un ingénieur, A. Triou (1968), qui, l'étudiant en hydraulicien, a montré que la ville avait été alimentée successivement par deux aqueducs. Le plus récent avait partiellement emprunté le canal du plus ancien, dont une partie avait été désaffectée. D'une exécution médiocre, ce dernier prenait l'eau 5 km au nord est de la ville. Par la suite, le second avait capté deux sources situées 7,4 km plus au nord. La particularité de l'ouvrage vient de ce que le second canal était d'une qualité nettement supérieure au premier. Logiquement on attendrait que la section du premier aqueduc emprunté par le second dans sa partie aval ait été mis aux mêmes normes afin de pouvoir écouler le nouvel apport d'eau. Il n'en fut rien. Le canal subit seulement des modifications provisoires destinées à assurer l'arrivée de l'eau à Saintes : maintien en usage simultané des deux canaux dans certaines sections ; modification de la section d'un passage en souterrain ; exhaussement des parois du canal sur les ouvrages d'art. Dans son étude de l'histoire de la cité antique, L. Maurin (1978) propose d'expliquer cette situation par un problème de financement : « les investissements considérables engagés pour construire les aqueducs du Douhet et de Vénérand ont été brutalement arrêtés au moment où les travaux arrivèrent au niveau de la jonction avec le premier aqueduc ; la source de financement (libéralité impériale ou évergétisme municipal ou autre) se trouva alors tarie et ne fut plus alimentée dans la suite, sans que l'on puisse fournir d'explication satisfaisante ».


Fréjus

Dans le cas de l'aqueduc de Saintes, une étude archéologique et hydrologique a révélé le captage successif de deux sources. Il en va différemment de l'aqueduc de Fréjus, Forum Iulii, importante colonie de citoyens romains constituée de vétérans de la VIIIe légion installée sous Auguste entre 31 et 27 et port militaire qui reçut des vaisseaux après Actium. La connaissance de son aqueduc vient d'être renouvelée par une importante monographie, fruit de recherches pluridisciplinaires conduites durant plusieurs années (Gebara et al. 2002). Elle applique une méthodologie nouvelle élaborée par les kartologues aixois dans l'étude de l'aqueduc de Nîmes. Dans sa planification, l'ouvrage semblait simple. On ne lui connaissait qu'une source, celle de la Siagnole de Mons (Le Neisson) à l'altitude de 515 m et à 42,5 km de Fréjus. Les travaux récents ont amené la découverte d'un second point de captage, 13 km à l'aval à La Foux dans la région de Montauroux. Négligée des hydrauliciens actuels, cette source est d'un débit moins important et plus régulier que la source de la Siagnole. On pouvait penser qu'il s'agissait d'une alimentation annexe. C'est ici que la géoarchéologie de l'eau, c'est-à-dire l'intervention des disciplines naturalistes dans l'étude archéologique s'est révélée d'un apport décisif. À la sortie d'une source karstique, comme c'est le cas ici, la température des eaux se modifiait, entraînant la précipitation des carbonates dissous en lamines microscopiques. Ces dépôts enregistraient les caractéristiques géochimiques propres à la source et donc d'éventuels changements, dans l'alimentation tels la mise en service d'une nouvelle adduction ou un changement quelconque dans l'apport de telle ou telle source ainsi que les variations du niveau de l'eau ou les interruptions dans la circulation. Leur composition reflète les caractéristiques de l'eau qui y a circulé et enregistre des changements d'alimentation (cf infra). Immédiatement à l'aval de la convergence des deux conduits qui amenaient les eaux de la Siagnole et de La Foux, l'analyse de leur « signature » dans les dépôts a montré que, contrairement à ce que l'on attendait, la première source captée n'était pas la plus abondante. « Les premières couches de concrétions semblent bien avoir été le produit des seules eaux de La Foux. Les suivantes qui présentent des teneurs chimiques et isotopiques intermédiaires entre ces premiers dépôts et ceux produits par les eaux du Neisson sur le canal de la Siagnole, traduiraient une alimentation mixte » (Guendon et al. 2003, 182). Ainsi, pendant une vingtaine d'années, Fréjus se serait contenté des eaux de La Foux. Mais dans ce cas, à la différence de ce qui est arrivé à Saintes, les ingénieurs avaient prévu le prolongement de l'ouvrage jusqu'à la source de la Siagnole de sorte que l'augmentation importante du volume des eaux n'a pas entraîné de modifications sur la partie aval de l'ouvrage.


Arles

Arles est une autre colonie romaine constituée comme Fréjus à l'issue de la Guerre Civile au profit des vétérans de la sixième légion. L'histoire complexe de son aqueduc illustre une situation sensiblement différente des deux cas qui viennent d'être décrits. Nous reviendrons plus bas sur la date de sa mise en service. Contentons-nous pour le moment d'une fourchette chronologique qui la place dans la première moitié du Ier s.. Cet ouvrage collectait les eaux des Alpilles, un massif calcaire dont le karst nourrit des sources qui ressortent à son piémont.

Ces sources sont plus nombreuses qu'abondantes. Aucune n'égalant la source de l'aqueduc de Nîmes au vallon d'Eure, la stratégie des hydrauliciens romains qui sont allés y chercher l'eau a été très différente de celle des Nîmois : alors que les uns captaient une seule source, les autres étaient dans l'obligation de multiplier les apports à un ouvrage qui, de ce fait, n'est véritablement constitué en tant que tel qu'au moment où son tracé quitte le massif. De ce fait, on peut distinguer deux grands secteurs que sépare la dépression du marais des Baux : le premier correspond à la zone d'alimentation. Le second débute au nord de la vallée des Baux, suit le rebord de la Crau et franchit les zones basses de la plaine d'Arles pour parvenir au rocher de l'Hauture où se trouvait le répartiteur. Au début du second siècle, il fait l'objet d'une modification dont l'objectif n'est pas d'augmenter la quantité d'eau qui arrive à Arles, mais de compenser le transfert d'une partie de l'eau à un usage industriel pour les moulins de Barbegal bâtis à ce moment précisément à la transition des deux secteurs. La section qui nous intéresse est la section à l'amont de Barbegal. Bien qu'il se soit trompé dans sa restitution du système, L.-A. Constans (1921) avait bien perçu l'hétérogénéité de cette section où il reconnaissait deux aqueducs. L'un, l'aqueduc dit « des Baux » ou « de Caparon », collectait les sources du piémont sud ; l'autre, l'aqueduc de Saint-Rémy ou d'Eygalières, contournait le massif par l'ouest pour aller chercher les sources du piémont nord. Il datait le premier de l'époque d'Auguste, le second de l'époque d'Hadrien. F. Benoit (1940) avait fait avancer la question en montrant que l'aqueduc des Baux s'arrêtait à Barbegal, dont les vestiges étaient ceux de moulins et non ceux d'un siphon emprunté par un aqueduc. L. A. Constans avait en effet imaginé que les deux aqueducs franchissaient séparément la vallée des Baux, l'un par un siphon, l'autre par un pont et qu'au-delà les deux canalisations étaient superposées, ce qui expliquait que l'on ne connaisse qu'un seul tracé. Reprenant l'opinion de F. Benoit qui datait du IVe s. la construction des moulins, A. Grenier admettait que les moulins auraient été créés pour utiliser un débit devenu excédentaire du fait du rétrécissement de la ville d'Arles. En fait, comme il l'observait, des difficultés d'interprétation demeuraient.

Les fouilles conduites en 1990 sur ce site (Leveau 1995) ont montré que la construction du pont qui assurait l'indépendance des deux ouvrages était liée à la réorganisation générale du système. Auparavant, ils convergeaient dans un bassin situé à l'amont des ponts jumeaux qui traversent le vallon des Arcs, 300 m à l'amont de Barbegal. À cette époque Arles est à son apogée et il fallait compenser la perte d'eau occasionnée par la nouvelle affectation la branche de la vallée des Baux. Comme il existait déjà une seconde branche correspondant à l'arrivée de l'aqueduc de Saint-Rémy et comme elle est contemporaine de l'autre -sans quoi pourquoi les faire converger ?-, l'hypothèse la plus vraisemblable est qu'elle a été prolongée sur le versant nord des Alpilles pour collecter de nouvelles sources.

J'arrête là l'exposé d'un problème qui n'a pas reçu de solution définitive. Mais j'y reviendrai, car il donne un bon exemple des conflits d'usage posés par l'utilisation des ressources d'hydraulique du massif. Ces conflits ne concernent pas seulement l'aqueduc d'Arles. L'usage des sources des Alpilles mettait en effet en présence trois partenaires : les colons d'Arles constructeurs de l'aqueduc, les communautés anciennes des Alpilles, dont la plus remarquable est la ville de Glanum et les propriétaires des villae romaines du massif. La complexité de l'hydrologie de ce massif et l'exploitation qui en a été faite justifie que leur soit consacré un développement particulier illustrant la manière dont l'archéologie peut aborder les conflits d'usage que suscite l'utilisation des eaux.


Une conduite plus courte et moins dépendante du terrain

Frontin donne une seconde raison de modifier le tracé d'un aqueduc : réaliser conduite plus courte et moins dépendante du terrain. « Maintenant, toutefois, sur certains points, aux endroits où le conduit a été ruiné par le temps, le canal souterrain qui contournait les vallées a été délaissé pour traccourcir et on traverse celles-ci sur mur de soutènement et sur arcade » Iam tamen, quibusdam locis, sicubi ductus vetustate dilapsus est, omisso circuitu subterraneo vallium, brevitatis causa, substructionibus arcuationibusque traiciuntur (De Aquaeductu 18, 5).

Cherchell, Caesarea de Maurétanie, est une importante fondation d'un prince africain mis à la tête d'un royaume par l'Empereur Auguste. Elle reçut de son fondateur un équipement urbain considérable comportant vraisemblablement l'aqueduc qui alimentait la ville (Leveau et Paillet 1976).

Travaillant sur un pont d'une trentaine de mètres de hauteur qu'il empruntait pour franchir une vallée profonde, J.-L. Paillet et moi-même avons eu la surprise de constater qu'à l'amont de l'ouvrage, le conduit se trouvait une douzaine de mètres au-dessus de la culée et qu'il remontait la vallée, décrivant une boucle de plus de 3 km pour retrouver à son terme le conduit construit sur le pont. Celui-ci avait donc été bâti pour éviter le détour que faisait le premier ouvrage. La dénivellation dizaine de mètres correspondant à la hauteur perdue par le canal dans ce parcours était compensée par un système de chutes, le seul de ce type qui ait été décrit pour un aqueduc romain (Leveau et Paillet 1976, 64-67 et 76-77). L'exemple de ce raccourcissement de l'aqueduc devait nous conduire à envisager un second raccourcissement plus important, 9 km au lieu de 3,5 km, du même ouvrage à l'aval, avec la construction du pont de l'oued Bellah. Sur ce parcours, aucun système de chute n'a été observé. Mais l'hypothèse de la reconstruction complète du canal sur un parcours moins exposé que l'ancien est la seule qui rende compte de l'existence de deux canaux. Dans ce cas, le premier aqueduc a pu continuer à fonctionner pour acheminer vers la ville les eaux provenant d'autres sources ou être totalement abandonné.

Liée au désir de rendre les canalisations plus fiables et plus faciles à entretenir, une telle situation a existé ailleurs. En Gaule, on peut verser au dossier, le cas de l'aqueduc du Gier à Lyon. Les auteurs décrivent en effet dans sa partie amont, une boucle, la boucle de la Durèze, qui a nécessité la construction de plusieurs ponts et d'un court tunnel, la « cave du Curé » (Burdy 1996, 75-91). Elle est recoupée par le siphon de Chagnon, long de 700 m. Si l'on en croit les mêmes auteurs, l'évolution du tracé se serait faite dans le sens opposé de celle qu'a notée Frontin. La boucle aurait été construite à la suite de l'abandon du siphon amenant un allongement du parcours de 11,5 km à flanc de coteau. Compte tenu du texte de Frontin, l'hypothèse contraire paraîtrait la plus vraisemblable si une inscription découverte à Chagnon ne rappelait l'interdiction faite par autorité de l'empereur Hadrien de labourer, de semer ou de planter sur l'espace de protection de l'aqueduc (CIL XIII 1623). Seule évidemment une fouille permettrait de valider la bonne hypothèse (Burdy 1996, 296). Il en va de même des remaniements de tracé relevés par G. Garbrecht sur l'aqueduc du Kaïkos qui alimentait la ville de Pergame en Asie mineure (Garbrecht 1987 : 41-42). Sous Hadrien, des tremblements de terre auraient contraint à abandonner des ponts trop élevés et trop fragiles au profit de tracés plus longs, mais ne nécessitant pas d'aussi importants ouvrages d'art. Dans ces deux cas, l'hypothèse inverse me paraît préférable.


2 - Les concurrences d'usage ou l'eau pour l'agriculture, la vie urbaine et l'énergie

La seconde série de données sur lesquelles nous renseigne l'archéologie des aqueducs porte sur les changements d'utilisation et les conflits d'usage. En principe, dans la majeure partie des provinces de l'Empire, les aqueducs ont été construits pour alimenter un établissement urbain ou une grande villa résidentielle. La séparation des deux branches de l'aqueduc d'Arles et l'affectation de l'une d'elles aux moulins de Barbegal (Leveau 1995) constitue sans doute le plus remarquable de modification d'un système hydraulique par changement d'utilisation que l'on connaisse.

Ces deux usages, pour l'alimentation d'un habitat et pour la production d'énergie, n'étaient pas concurrents. Palladius conseillait aux propriétaires de villae d'utiliser l'eau des thermes pour faire tourner des moulins. En revanche ces usages de l'eau intervenaient en concurrence avec un autre, l'usage agricole. Durant les sécheresses estivales, les paysans méditerranéens n'ont certainement pas vu avec plaisir les sources qui irriguaient leurs cultures captées pour des usages urbains ou pour l'agrément des résidences rurales des puissants. De leur côté, ces derniers avaient les moyens de détourner l'eau des aqueducs pour irriguer des cultures. Frontin en fait état et il n'est pas le seul. Comment l'archéologie peut-elle apporter des documents à cette question ? La simple prospection peut donner des résultats. Je pense à des installations du type de celles de l'oued Soromane sur l'aqueduc de Cherchell où j'avais identifié un nymphée de grands bassins, sans pouvoir établir une relation avec l'aqueduc. Il vient également à l'esprit une comparaison avec les problèmes qu'eurent à traiter les autorités françaises qui rétablirent l'aqueduc de Carthage à l'époque du protectorat. Lassés par les incessantes brèches ouvertes dans le canal par des éleveurs pour abreuver leurs troupeaux, ils installèrent des fontaines à l'intention de ces derniers. Mais seule une fouille extensive et systématique pratiquée le long d'un aqueduc peut révéler la présence de ces branchements dont les textes prouvent qu'ils étaient pratiqués par les riverains avec sous ou sans l'autorisation des autorités urbaines pour alimenter des habitats mais aussi servir à un usage agricole.

Les recherches dont a été l'objet l'aqueduc de Nîmes apportent de précieux renseignements sur cette question. Depuis longtemps, on avait identifié contre les maçonneries de gros amas de concrétions carbonatées dont le volume dépassait plusieurs dizaines de m3. Distincts des dépôts liés à des fuites du specus, ils correspondent à des brèches ouvertes intentionnellement. Au XIXe s. déjà, aux arches de la Lône, sur l'un des trois plus importants, J. Teissier-Rolland avait observé des traces de vannes et formulé l'hypothèse d'une utilisation de l'eau de l'aqueduc par les habitants de Vers pour l'irrigation de leurs champs (Fabre et al. 2000, 81 et 412). D'autres existent à la Valive (ibid., 327-329). La formation de ces amas suppose qu'une grande quantité d'eau s'écoulait par ces brèches. Les aménagements qui les ont occasionnés ne sont pas datés avec précision. En chronologie relative, ils remontent à une époque où le captage de la source d'Eure était toujours en fonction, mais où l'eau fournie était de mauvaise qualité. Ils sont antérieurs à une remise en usage de l'aqueduc pour l'alimentation urbaine, datée des IVe s. et Ve s. (ibid. 414). On hésite entre deux usages : l'irrigation ou l'alimentation de moulins. Au total, sous ces aspects, dans son parcours de la vallée de l'Alzon, l'aqueduc de Nîmes offre un remarquable exemple de concurrence dans les usages de l'eau. C'est sur ces aspects qu'il a été étudié par M. Gazenbeek, puis par L. Buffat (2004).


3 - Concurrence et complémentarité des usages : l'exemple de l'hydraulique antique dans les Alpilles

L'exemple de l'aqueduc d'Arles qui procurait à la colonie romaine l'essentiel de l'eau nécessaire à ses besoins a été l'occasion d'évoquer les Alpilles, un massif calcaire qui, dans le paysage régional, forme un contraste saisissant avec la plaine alluviale. Ce massif est remarquable par l'importance des vestiges d'exploitation hydraulique. Ils ne se résument pas aux captages dont nous allons traiter ici. Entre Paradou et Fontvieille, à l'est du massif des Défends de Sousteyran, le bassin des Taillades est une doline qui fut pourvue d'un exutoire artificiel à l'époque romaine. Creusée dans la roche tendre sur quelques centaines de mètres à partir de puits, la galerie qui évacue l'eau en excédent est même le plus remarquable ouvrage hydraulique romain de ce type qui soit conservé dans la région provençale (Gateau et Gazenbeek 1999, 166-168 ; Grewe 1998, 98).

Les Alpilles sont d'abord un château d'eau qui assure un débit stable aux sources captées à sa périphérie sur ses piémonts, celles que captait l'aqueduc d'Arles. Sur le piémont sud du massif, une branche (devenue ensuite aqueduc de Barbegal) collectait plusieurs sources alimentées par les aquifères karstiques du flanc sud de l'anticlinal de Manville au nord de la plaine de Paradou-Maussane et par les infiltrations circulant le long de la faille est-ouest qui borde la dépression du Mas de la Dame. Son point de départ se trouve au Paradou. L'une des sources se trouve au vallon d'Entreconque au nord-est de Maussane où son conduit maçonné a été identifié. On suppose qu'il captait la source du Mas de la Dame. Au nord de Maussane, la source de Manville constituait probablement une alimentation annexe, ainsi que celle du mas d'Escanin. Principale source de l'aqueduc, la fontaine d'Arcoule était captée par un barrage qui a disparu à la suite des travaux modernes. Actuellement il ne reste plus rien d'accessible sauf à La Burlande (Le Paradou) où l'on peut encore voir un bassin qui assurait la convergence de deux canaux qui pourraient venir l'un de la fontaine d'Arcoule, l'autre du vallon d'Entreconque.

Dans une mise au point sur le peuplement protohistorique du massif, P. Arcelin soulignait la relation qui existe entre la carte des points d'habitat connus et celle « des potentialités hydrologiques, des résurgences et points d'eau bien plus nombreux au contact avec les piémonts et les plaines » (in Gateau et Gazenbeek 1999, 64). En fait, les Alpilles ne sont pas un simple château dont profitaient les habitats de sa périphérie. À l'intérieur du massif, il existait deux types des sources. Les moins importantes et les moins constantes étaient alimentées par le réservoir des formations détritiques superficielles ; les autres bénéficiaient d'un débit constant assuré par des résurgences karstiques liées à structure géologique complexe du massif. Située au cour du massif au fond d'un ravin de son versant nord, la ville de Glanum doit son existence à cette particularité hydrologique L'eau circule au fond de talwegs entre les dépôts torrentiels et le substrat de marnes et de calcaires argileux (Barrémiens) où elle est captée au fond de puits. Mais surtout, l'aquifère du Mont Gaussier alimente sur résurgence karstique captée par un aqueduc (Augusta-Boularot et Paillet, 2003, 108, 112). La présence de l'eau a paru si remarquable aux archéologues qui l'ont étudiée qu'ils en ont fait un sanctuaire des eaux organisé autour d'une source anciennement captée. Le site se trouve à la convergence de deux gaudres, cours d'eau de faible rang au régime contrasté, asséchés l'été mais susceptibles d'épisodes torrentiels, les gaudres de Saint-Clerg et de N.-D.-de-Laval. Les eaux qui circulaient au fond du premier d'entre eux avaient été collectés dans la fontaine monumentale. Glanum est un site d'une richesse monumentale étonnante, que, frappés par le contraste qu'il offrait avec la désolation de l'environnement, les archéologues a cru isolé dans une zone hostile, en particulier, défavorable à la vie agricole. Le paradoxe de ce site a autorisé et suscité des interprétations qui privilégiaient le facteur religieux pour en expliquer l'origine protohistorique et la continuité à l'époque romaine. Depuis, les prospections réalisées par M. Gazenbeek (Gateau et Gazenbeek 1999) et les recherches sur l'épigraphie de la ville (Christol et Janon 2000) lui ont rendu sa place parmi les villes de la région. On s'est rendu compte qu'il s'agissait bien d'une ville dotée d'un territoire propre et que l'on ne pouvait plus lui appliquer les raisonnements qui avaient prévalu dans les premiers temps de la recherche. Le paradigme d'une romanisation brutale et répressive associée à l'idéalisation des peuples Salyens avait empêché d'appréhender dans sa complexité juridique le partage des eaux du massif : l'aqueduc d'Arles traversait le territoire d'une collectivité ancienne qui avait dû lui en reconnaître le droit sans pour autant perdre son autonomie. À partir du moment où Glanum était identifiée comme une ville, se posait le problème d'une alimentation à laquelle les installations connues pouvaient difficilement répondre. C'est alors que la recherche s'est intéressée au barrage qui se trouve à quelques kilomètres de là. Une étude conduite par S. Agusta-Boularot et J.-L. Paillet (1999) a permis de restituer le barrage-voûte, -le premier barrage-voûte romain qui ait été identifié-, qui avait été édifié à l'emplacement de l'actuel. On aurait élevé un plan d'eau artificiel à un niveau suffisant pour qu'une canalisation circulant à flanc aboutisse dans la ville. Techniquement possible, cette hypothèse formulée une dizaine d'années auparavant (Leveau 1989, 65-66) s'appuie sur les traces (ténues) d'un ouvrage de soutènement d'une canalisation circulant à flanc de coteau jusqu'à son aboutissement dans la ville. La poursuite de ces travaux a amené la découverte d'autres alimentations dont la plus remarquable est une petite résurgence karstique captée dans le vallon Saint-Clerg (Agusta-Boularot et al. 2003). De ce fait, il faudrait sans doute reconsidérer la place accordée au barrage dans l'alimentation de la ville. Sa destination principale pourrait être l'irrigation de jardins installés sur le piémont nord des Alpilles. Des installations hydrauliques du même type sont signalées par F. Benoit dans les vallons avoisinants. M. Gazenbeek en a découvert également dans le vallon d'Auge, dans la partie occidentale du massif où l'exploitation de la couche continue et imperméable de la bauxite a tari les sources karstiques. Depuis F. Benoit, on admettait qu'elles alimentaient une branche de l'aqueduc. M. Gazenbeek a montré que ces installations hydrauliques étaient liées à une importante villa (in Gateau et Gazenbeek 1999, 164 18*). On aurait là une explication de la grande prospérité de ce massif durant la période antique.

La concurrence dans l'exploitation des ressources hydriques du massif concernait non l'intérieur du massif mais son piémont. Sur le versant nord, l'aqueduc disputait aux villae romaines des sources dont le débit bénéficiait de l'orientation du pendage. Prise individuellement, chaque source est susceptible d'avoir alimenté un établissement -une villa- ou même d'avoir été capté pour l'irrigation d'un piémont. Une tradition le fait partir le canal de la source d'Eygalières, un secteur où les captages modernes ont fait disparaître toute trace de l'ouvrage romain, si toutefois il a bien existé. Après l'abandon de l'aqueduc, les mêmes sources ont continué d'être exploitées, de sorte que leur utilisation par les Romains est le plus souvent seulement présumée. Seule une utilisation moderne est attestée de sorte qu'il est impossible de se prononcer avec certitude sur l'affectation des sources. Des prospections et les fouilles (inédites) de M. Gazenbeek ont montré que la branche orientale de l'aqueduc d'Arles avaient fait au Paradou l'objet de piqûres - peut-être illégales- dont on ignore la destination, mais qui étaient probablement liées à son changement de destination à la suite de la construction de l'usine de Barbegal au début du IIe s. (Leveau 1995). Au Moyen Âge, des documents du XIIe s. évoquent un même changement d'usage pour sa branche de Saint-Rémy : un béal était encore alimenté par l'aqueduc romain détourné de sa fonction originelle, mais demeuré un facteur essentiel du paysage régional (Gazenbeek 2000). Son débit qui est en temps normal de 0,34 m3/s varie entre 0,18 m3 /s à l'étiage et à près de 4 m3 lors de grandes crues (débit moyen). Ses eaux se perdaient dans les marais de Maillane. À l'aval, sur la commune de Fontvieille, il alimentait probablement le petit moulin du haut Moyen Age qui a été découvert à la Calade (Amouric et al. 2000).


III - L'aqueduc, de l'entretien à l'abandon

Les observations qui viennent d'être présentées portaient essentiellement sur les aqueducs dans leur globalité. Nous allons maintenant nous tourner vers les éléments constitutifs de l'ouvrage, le canal et ses substructions, afin de voir comment leur étude archéologique peut nous renseigner sur l'histoire individuelle de ces ouvrages, sur leur entretien jusqu'au moment de leur abandon. Pour la commodité de l'exposé, je distinguerai l'entretien du conduit et celui des maçonneries qui le portent. Dans le premier cas, les facteurs de dégradation sont liés aux caractéristiques internes de ce conduit ; il s'agit donc plutôt d'un vieillissement inéluctable qui, nous allons le voir, porte sur le canal. Dans le second, ce vieillissement affecte les matériaux. Mais il s'agit plutôt d'évènements ponctuels entraînant une rupture du canal, donc une interruption brusque de l'écoulement de l'eau pour des raisons qui ont plutôt leur origine dans le milieu environnant.

Frontin qui consacre à ces questions la dernière partie de son traité distingue quatre causes. Le constructeur a prise sur deux d'entre elles. Il peut éviter les malfaçons (male factum) et lutter contre les comportements délictueux (impotentia) des possessoires à la différence des deux autres, le vieillissement (vetustas) et l'action des éléments naturels (tempestates). Dans son exposé, Frontin s'étend sur les causes qui relèvent de sa fonction : les agissements de riverains. La fin de son traité contient donc une liste de textes juridiques où l'on trouvera une liste des infractions qui peut être confrontée à l'observation archéologique. Quelques exemples en ont été donnés. Plus difficile est sans doute l'identification des malfaçons. En dehors de cette allusion, la lettre où Pline dénonce à Trajan les malversations dont ont été victimes des habitants de Nicomédie est assez explicite. J.-L. Paillet et moi-même avions proposé d'en identifier dans l'étude que nous avions conduite sur l'aqueduc de Cherchell. Mais il est toujours bien difficile de les distinguer d'erreurs de l'architecte, -toujours difficiles à établir- et surtout de facteurs naturels (tempestas). Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement à ces derniers en nous appuyant sur la distinction que Frontin établit entre les effets du temps et ceux d'événements catastrophiques.


1 - Le vieillissement (naturel) du canal et la géoarchéologie de l'eau

Le vieillissement peut porter sur les matériaux. Il concerne, bien entendu, d'abord sur les matériaux de mauvaise qualité, mortiers mal dosés ou insuffisamment travaillés, pierres de mauvaise qualité. Dans la majorité des cas, cela relève des mal-façons, dont Frontin note au passage qu'elles se rencontrent surtout sur des ouvrages récents. On comprend pourquoi : la prise des mortiers ou des bétons de chaux bien préparés s'améliore avec le temps. Le vieillissement peut porter sur la pierre. Sans parler des maladies actuelles qui affectent celle-ci et qui sont un phénomène récent lié à la pollution, ou de mal-façons comme les fissures affectant des blocs mal placés (en « délit »), il faut prendre en compte le vieillissement de matériaux résistant mal aux intempéries. Mais, sur l'architecture d'un pont, il est toujours difficile à distinguer l'effet de la pluie de celui de fuites qui désagrégent la pierre.

Dans le passage auquel il a été fait allusion plus haut, Frontin donne une description précise du vieillissement des canaux : « Le dépôt se durcit, parfois même forme une couche de tartre qui resserre le passage de l'eau ou bien le revêtement intérieur se dégrade, ce qui provoque des fuites » ( aut enim limo concrescente qui interdum in crustam indurescit, iter aquae coartatur aut tectoria corrumpuntur, unde fiunt manationes) (De Aquaeductu CXXII). Décrit pour les aqueducs de la ville de Rome, ce processus naturel caractéristique des eaux fortement chargées en carbonates affectait les aqueducs alimentés par des sources dans les pays de relief calcaire. Nous avons vu l'intérêt que présentait leur étude pour l'identification des sources. D'une grande dureté, les concrétions s'accumulaient sur les parois selon des profils caractéristiques affectant la forme d'un gobelet ou d'un calice (id., ibid., 235).

Sur l'aqueduc de Nîmes, à la Sartanette, leur épaisseur atteint 50 cm, ce qui représente un poids de 2,5 t/m, le double du même volume d'eau. Ces dépôts internes ont pu mettre en péril les architectures : Pilae quoque ipsae tofo exstructae sub tam magno opere labuntur : " les piliers, également construits en tuf, subissent des tassements sous une telle charge " (De Aquaeductu, CXXII). Il était très difficile de lutter contre eux. On a bien identifié en plusieurs endroits sur les parois des traces de grattage. Mais cette opération ne pouvait être pratiquée que dans des endroits précis. Les observations faites sur l'aqueduc d'Arles au niveau du vallon des Arcs montrent les limites de son efficacité. Sur le pont qu'avait emprunté l'aqueduc pour franchir ce vallon, on observait un surprenant surhaussement du radier, de l'ordre d'une cinquantaine de cm. L'explication la plus vraisemblable est qu'il s'agit d'une adaptation aux conséquences des difficultés d'écoulement occasionnées par les dépôts carbonatés à l'aval. La diminution de la section qui en résulte aurait conjugué ses effets à ceux du coude à 90° que fait le canal à la sortie du pont en obliquant vers l'ouest. Un ralentissement de l'écoulement à ce niveau par perte d'énergie aurait entraîné accumulation centimétrique de l'eau à cet endroit et à l'amont une élévation décimétrique du niveau de remplissage du canal sur la totalité du pont. Plutôt que de dégager ou de refaire le canal à l'aval du pont, on aurait modifié le profil d'écoulement sur le pont. Des modifications effectuées sur le Pont du Gard ont peut-être la même explication. J.-L. Fiches et J.-L. Paillet avaient observé que, sur le pont, les parois du canal avaient été exhaussées d'une soixantaine de centimètres. Les traces de cette opération sont conservées dans le cuvelage (Fiches et Paillet 1989). Selon eux, cette modification aurait été réalisée peu de temps après sa mise en service. Un bassin de régulation implanté à l'amont du pont pour vidanger la canalisation permettait de réguler l'écoulement en évacuant l'eau en excès. L'architecte aurait sous estimé les risques de débordement sur un ouvrage dont l'altitude avait été commandée par un souci d'économie, -lui donner une hauteur minimale compatible avec l'écoulement de l'eau jusqu'à l'altitude prévue à Nîmes. Sur un ouvrage dont la pente était particulièrement faible, les effets de l'encroûtement des parois du conduit à l'aval de l'ouvrage ont pu se faire sentir assez rapidement, au bout de quelques décennies.

Ces dépôts dont la formation est inévitable doivent être distingués de dépôts constitués de fragments de roche introduits accidentellement dans le canal ou provenant de sa dégradation. Leur consolidation est due à la précipitation des carbonates dissous dans l'eau, qui constitue le ciment des dépôts qualifiés de « détritiques » du fait de leur origine. L'apparition de ces dépôts correspond à un défaut d'entretien des maçonneries du canal. Malgré l'interdiction de semer et de planter qui s'appliquait à leurs abords, celles-ci sont en effet attaquées à l'extérieur par les racines. À l'intérieur, des crues ou la lente montée de l'eau du fait de l'entartrage dégradaient la partie supérieure du specus et la voûte qui n'étaient pas protégées par l'opus signinum. La lutte contre cette obstruction consistait donc à la fois dans l'entretien de la maçonnerie, dans le témoignage des abords et dans la visite régulière du canal pour évacuer les sédiments piégés. Sur l'aqueduc de Nîmes, à proximité d'un pilier des arches de la Lône, on a trouvé un tas de sédiments de ce type à l'aplomb d'un regard d'accès à l'intérieur du specus (Guendon et Vaudour in Fabre et al. 2000, 240). En définitive donc, cette sédimentation nous renseigne sur la qualité d'un entretien du canal en proportion inverse duquel elle se développe.


2 - L'archéologie des aqueducs et la question des risques naturels (tempestas)

Frontin précise la seconde cause naturelle de destruction dont il fait état. L'action des éléments est plus forte sur les parties aériennes des aqueducs que sur les parties enterrées et sont particulièrement exposés : les parcours sur les versants et les traversées de cours d'eau (De Aquaeductu CXXI).

Il a déjà été question des difficultés que les ingénieurs rencontraient parfois pour ancrer une canalisation sur un versant abrupt affecté par des glissements de terrain. Cette difficulté est à l'origine de recoupement de boucles. L'étude que J.-L. Paillet et moi-même avions conduite sur l'aqueduc de Cherchell avait été l'occasion d'observer de telles modifications de tracés. Là, dans un relief abrupt affecté par des phénomènes de solifluxion, les ingénieurs avaient été contraints de renoncer à un premier tracé qui aboutissait dans la ville aux environs de la cote de 40 m et permettait d'en desservir à peu près tous les quartiers, pour adopter un tracé plus sûr mais dont le point d'aboutissement était inférieur d'une dizaine de mètres. Sur un même ravin (Bouchaoun sur l'oued Boukadir), nous avons trouvé les restes de deux et peut-être même de trois ponts d'aqueduc qui, situés à des altitudes différentes, témoignent des solutions adoptées successivement pour faire franchir au canal un passage obligé (Leveau et Paillet 1976, 56-62). Sur l'aqueduc de Fréjus, dans la vallée du Reyran, J.-M. Michel signale trois exemples d'accolement d'arches qu'il explique par des problèmes structurels (in Gebara et al. 2002, 132). Le quatrième cas, la construction d'un nouveau pont aux arches Sénéquier, rappelle tout à fait la situation observée dans la gorge de Bouchaoun (Gebara 2002, 149-150). Il s'agit toujours de secteurs bien particuliers. À Lyon, J. Burdy observe que sur les cinq ponts de l'aqueduc lyonnais du Gier qui « ont été remaniés ou reconstruits, quatre [l'ont été] sur les bases même du pont primitif, et le cinquième quelques mètres en aval. Tous se situent dans le premier tiers du parcours, alors qu'on n'a pas relevé le moindre indice d'une reconstruction des ponts qui suivent ». Dans la zone du bassin houiller stéphanois, le substrat géologique produit « des sols peu stables et de mauvais matériaux de construction » (Burdy 1996, 255).

Le risque encouru par les canaux d'aqueducs sur les versants instables se fait sentir progressivement. Il relève d'une chronologie différente de celui qu'une crue fait courir à un ouvrage de franchissement de cours d'eau. En milieu méditerranéen, des ruisseaux voient leurs débits rapidement multipliés. L'eau montant brutalement, les piliers et le tablier font barrage et l'ouvrage est emporté. À la différence de ce qui advient pour les ponts routiers - on peut franchir un cours d'eau dans son lit, à gué ou par un bac-, ce risque ne pouvait pas être évité : pour faire passer un aqueduc, y compris dans le cas siphons[1], il faut un pont. De ce fait, il importe de savoir comment ce risque a été traité par les architectes dans un projet initial ou lors des réfections dont ces ouvrages ont été l'objet, comme le doublage d'arches, la consolidation des architectures par des contreforts, un ensemble d'opération pouvant aller jusqu'à la reconstruction complète d'ouvrages d'art ou le déplacement de la canalisation. Les catastrophes récentes survenues dans le Sud-Est de la France ont attiré l'attention sur deux ponts romains dont la résistance qui a étonné s'explique en partie par leur conception : le pont de Vaison-la-Romaine, un pont routier, et le Pont du Gard. Le Gardon coule normalement à une altitude de 20 m. Son lit moyen, atteint par les crues ordinaires, se situe à environ 22,5-23 m NGF. En 1910 et en 1958, des crues ont atteint une altitude d'environ 28 m N.G.F. En 1958, une crue d'ampleur comparable est observée. La crue des 8 et 9 septembre 2002 qui a dépassé à cet endroit la côte de 30 m N.G.F. a vérifié la validité des calculs des architectes romains. Les arches d'une ouverture inhabituelle, qu'ils ont construites, constituent la preuve d'une prise en compte du phénomène : la plus large mesure 24,50 m d'ouverture et a une hauteur de 21, 87 m permettant au tablier de rester hors d'eau[2].. Par ailleurs en dégageant la fondation de la pile nord de la cinquième arche, cette grande crue a permis d'observer le soin avec lequel avaient été réalisés l'implantation et l'ancrage de l'ouvrage (Bessac 2004, 192-193). Dans le cas du pont Julien sur la voie Domitienne entre Avignon et Apt, J.-M. Mignon a proposé d'expliquer la reconstruction dont il a fait l'objet par la nécessité de tirer les leçons de la destruction d'un premier pont par une crue (Mignon 2003, 81).

Tout ce qui vient d'être exposé exprime le point de vue de l'archéologue qui examine le bâti. Dans les pays au relief accidenté des rives de la Méditerranée, le tracé des aqueducs n'est pas soumis seulement aux contraintes de l'hydrologie ; il prend en compte le relief. Nous avons suffisamment vu d'exemples de la dépendance de ces ouvrages par rapport à la topographie pour qu'il soit inutile d'y revenir. Mais si, dans ce domaine, on souhaite dépasser le niveau de la constatation pour passer à l'explication et également évaluer la pertinence des choix effectués, il faut la collaboration du géomorphologue qui, comme le karstologue pour les dépôts carbonatés des aqueducs, peut être intéressé par la donnée chronologique que fournit un canal d'aqueduc pour l'histoire naturelle d'un versant. Les géomorphologues n'ont pas ignoré cette opportunité. Mais encore peu d'entre eux ont accepté de suivre le parcours d'un aqueduc pour tenter de répondre à ces questions. Cela fait l'intérêt de l'étude qui a porté sur le « contexte géomorphologique et historique de l'aqueduc de Nicopolis » en Grèce (Doukellis et al., 1995)

Le troisième thème tout autant d'actualité sur lequel se sont établies des relations entre géomorphologues et archéologues est celui du risque sismique. Compte tenu de l'importance du risque sismique en Asie mineure et des désastres subis par les villes d'Asie Mineure dont font état nos sources, on ne s'étonnera pas que les traces de sismicité historique aient été recherchées sur des ouvrages linéaires dont le tracé pouvait recouper des failles. C'est ainsi qu'elle a été évoquée pour le bouchage d'arches de l'un des aqueducs alimentant à l'époque romaine, la ville de Pergame en Asie mineure, l'aqueduc du Kaïkos. G. Garbrecht relève dans son tracé de nombreuses restaurations et des remaniements qu'il propose de dater à partir des tremblements de terre de l'époque d'Hadrien (Garbrecht 1987, 41-42). Cette hypothèse demande à être confirmée par des fouilles. On a évoqué plus haut les remaniements de tracé qui existent sur l'aqueduc de Cherchell dans une région d'Algérie dont la sismicité est connue (Leveau 1976, 64-67) : aucune source antique n'y fait connaître de tremblements de terre, mais il est peu vraisemblable qu'aucun ne se soit produit et que les ingénieurs romains n'en aient pas eu connaissance. Si ce fut le cas, ils eurent raison de ne pas en tenir compte : le dernier tremblement de terre du Chélif (El Asnam) ressenti à Cherchell n'a pas fait tomber une seule pierre de l'aqueduc ; les remaniements du tracé ont, nous l'avons vu, une tout autre explication. Dans le cas de Nîmes, les géographes qui se sont intéressés au problème n'ont observé sur ses architectures aucune preuve formelle de " marque " tectonique. Une destruction pour la récupération des matériaux est beaucoup plus vraisemblable que l'effet d'anciens tremblements de terre, quoiqu'ait pu en penser É. Espérandieu. En fait, les signatures sismiques se sont révélées plus complexes dans leurs manifestations et leur interprétation (Fiches et al. 1997).


3 - L'utilisation de l'aqueduc comme carrière

On a du mal à évaluer le rôle du développement des concrétions internes dans l'abandon des aqueducs. Le facteur essentiel de cet abandon est probablement le déclin de la vie urbaine. Il reste que la diminution des débits entraînée par l'engorgement des canalisations rendait de moins en moins intéressant l'entretien du canal. Après leur abandon comme adduction urbaine, un usage partiel des ouvrages demeure pour l'alimentation de moulins et pour l'irrigation. C'est alors que ces ouvrages sont livrés aux récupérateurs.

L'une des récupérations dont le canal est l'objet porte sur les concrétions internes. K. Grewe en a fait l'histoire pour l'aqueduc de Cologne qui fournit une pierre particulièrement appréciée pour son caractère décoratif : sous la dénomination de « marbre du canal », elle a été utilisée pour des colonnes de l'église carolingienne d'Aix-la-Chapelle. Des observations analogues ont été faites sur des ouvrages qui avaient été affectés par le même mal. L'utilisation de plaques extraites du canal pour la couverture de sarcophages des VIe ou VIIe s. constitue une preuve de l'arrêt du fonctionnement de l'aqueduc. J.-L. Paillet a étudié l'utilisation de cette pierre dans les monuments médiévaux de la région de Remoulins et en a dressé une liste (Paillet in Fabre et al. 2000, 425-434).

Mais l'utilisation essentielle de ces ouvrages après leur abandon a été la récupération des matériaux. Cette exploitation qui a entraîné leur disparition explique que l'on n'en retrouve plus aucune trace, sauf en fondation ou sur des segments épargnés parce qu'oubliés sous des déblais. À titre d'exemple, je présenterai le cas du Vallon des Arcs à Fontvieille, dont l'intérêt est d'illustrer les difficultés qu'entraîne cette exploitation pour la compréhension d'un ouvrage de ce type. Ce vallon était traversé par deux ponts. Mais, à la différence des ponts doubles dont il a été question plus haut, ils correspondent aux deux canaux alimentés chacun par une des deux branches de l'aqueduc et alimentant l'un les moulins de Barbegal, l'autre la ville d'Arles. Les deux ouvrages n'étant pas contemporains. L'un avait été bâti en grand appareil. Dans l'autre, cet appareil n'avait été utilisé qu'à la base des piliers et pour les impostes. Le reste était en opus caementicium à parement de moellons. Ce qui compliquait la lecture des vestiges de ces monuments, c'est que le pont le plus ancien avait fait l'objet d'une grande campagne de réfection : sur plus de la moitié du monument, les arches avaient été reconstruites en opus caementicium ; elles étaient portées par des piles remontées sur les fondations du premier pont. L'addition de cette campagne de restauration et de la récupération des éléments de grand appareil qui étaient demeurés donnait l'illusion d'une reconstruction presque complète du pont. En réalité, ce qui subsistait était le négatif des parties qui avaient traversé la période d'utilisation et qui étaient en grand appareil.


IV - L'archéologie et la datation des aqueducs

Il convient de distinguer deux types de datation : la datation relative et la datation absolue. Lorsque cette dernière est connue, c'est en général par un texte. Le le plus complet est le traité qu'a écrit Frontin sur les aqueducs de la ville de Rome ; il indique les dates de construction des différents ouvrages. Le plus souvent, on doit se contenter d'une allusion au détour d'une anecdote. Ainsi Dion Cassius nous apprend qu'Auguste qui, en 36 av. J.-C., avait pris des terres aux gens de Capoue « leur donna en échange l'aqueduc nommé Julien ; de tous les avantages, celui dont ils sont les plus fiers » (Histoire romaine, 49, 14). Un petit nombre d'aqueducs possède une inscription dédicatoire précisant le nom et la qualité du constructeur, la date de cette construction et encore plus rarement son coût. L'apport de l'épigraphie, -la discipline d'étude de ce type de documents-, a fait l'objet de travaux importants parmi lesquels on compte ceux de W. Eck et de M. Corbier (1984). Cette dernière s'est plus particulièrement intéressée aux magistrats des villes d'Italie qui avaient la charge (la curatelle) du service des eaux. Elle a recensé les inscriptions relatives aux activités de ces personnages, dont en particulier les adductions urbaines dont ils sont les responsables.

À défaut de documents écrits, on recourt à l'archéologie. Mais celle-ci est surtout, comme nous en avons vu des exemples, apte à donner des chronologies relatives portant sur des modifications du tracé ou des réfections de sections de l'ouvrage. Il est beaucoup plus difficile d'utiliser l'archéologie pour passer à une chronologie absolue. C'est pourtant ce à quoi les archéologues ont dû se résoudre en mettant au point des protocoles spécifiques dont nous allons voir quelques exemples.


Rappel de quelques principes de datation

Deux approches ont été utilisées simultanément par les archéologues pour dater les aqueducs, au moins en chronologie relative. La première est l'appareillage des structures conservées en élévation. La seconde est le contexte monumental urbain.


Les techniques de construction

L'observation des appareils a apporté d'importantes précisions dans la datation des aqueducs provinciaux. Elle s'appuie sur une chronologie établie sur les monuments d'Italie présumés avoir servi de modèles. Les fouilles de Pompéi y jouent un rôle important dans la mesure où la destruction de la ville en 79 fournit un terminus. Cette chronologie est approximative. Dans la transmission des procédés de construction, il faut en effet tenir compte d'un délai qui peut aller jusqu'à une génération. Toutefois, la transmission peut aussi être rapide, car si la diffusion de certains appareils correspond à des modes, d'autres traduisent des progrès technologiques que les ingénieurs appelés à construire ces ouvrages n'ont pas manqué de mettre en ouvre. De telles chronologies donnent donc des fourchettes de l'ordre du demi-siècle. Le plus souvent, des datations ont été proposées à partir de l'observation du grand appareil. Celui-ci peut être utilisé à joint vif ou en parement d'un blocage (opus caementicium). Dès l'époque augustéenne, mais surtout à l'époque julio-claudienne et de plus en plus à mesure que l'on avance dans le temps, il est concurrencé par d'autres méthodes de construction, en particulier l'utilisation de plus en plus systématique de l'opus caementicium qui présente une très remarquable souplesse d'utilisation. Le blocage peut être moulé entre des banches ou entre des parements qui font corps avec lui. L'un des critères traditionnellement utilisés est l'utilisation de la brique qui se généralise au Ier s. de notre ère et devient par la suite d'un emploi de plus en plus fréquent.


Les contextes archéologiques et géoarchéologiques

L'alimentation d'une ville a été la raison d'être des aqueducs. Il était donc logique d'utiliser le contexte du développement urbain dans la datation de la première mise en service de ces ouvrages. Parmi les méthodes utilisées, la première consiste dans l'observation de la relation existant entre un aqueduc et tel ou tel autre bâtiment lié à l'eau, le nymphée élevé au débouché de l'aqueduc, des fontaines ou encore les monuments réputés grands consommateurs d'eau comme surtout les thermes. La construction d'un aqueduc est également liée à la mise en place d'un système de distribution de l'eau par des conduites. Celles-ci peuvent donc constituer un élément de datation. Il fallait aussi évacuer le surplus d'eau amenée par l'aqueduc. De ce fait, la construction des égouts peut constituer un élément du dossier. Mais il restera complémentaire dans la mesure où l'évacuation des eaux pluviales en est le principal motif. Mais l'observation de la place de l'aqueduc dans le plan urbain, -la relation matérielle qu'il entretient avec d'autres monuments-, peut aussi apporter des indications décisives.

Dans le cas des aqueducs issus du captage de sources karstiques, on peut faire appel aux données géoarchéologiques issues de l'étude des concrétions internes. À l'intérieur de celles-ci, l'alternance d'éléments clair et sombre correspondant à des variations inter annuelles permet le décompte d'années d'utilisation. Ainsi, les travaux des géoarchéologues sur les dépôts du canal ont permis d'établir en chronologie relative avec une bonne précision les différentes périodes du fonctionnement d'un ouvrage. Mais, ils ne fournissent pas de dates absolues et laissent aux archéologues le soin de la date de première mise en eau. C'est là que commencent les difficultés.


Des études de cas

Quelques études de cas illustreront les difficultés rencontrées par les archéologues.


L'aqueduc de Fréjus

Les travaux auxquels vient de donner lieu l'aqueduc de Fréjus donnent un bon exemple de l'apport de la géoarchéologie et de ses limites. L'apport fondamental porte sur les phases d'un fonctionnement qui, d'après leurs analyses, a eu une durée supérieure à 200 ans. Nous insisterons donc ici plutôt sur la question de la date de la première mise en service.

Sous Auguste, Fréjus accueillit la flotte prise à Antoine après sa défaite d'Actium. À son entrée dans la ville, l'aqueduc en utilise l'enceinte comme support dans son parcours urbain. Cette association fait du rempart un terminus de la construction de l'aqueduc. Mais cela ne fait que reporter le problème. Les deux équipes qui se sont attachées à l'étude de la ville divergent dans leur avis sur la date de ce rempart.

Pour C. Gebara (2003, 261, n. 222), les sections du rempart utilisées par l'aqueduc sont augustéennes et que l'ouvrage a été mis en eau sous Claude au milieu du Ier s.. Les auteurs de l'Atlas (Rivet et al. 2000, 357-358) considèrent que les mêmes sections du rempart sont flaviennes et que l'aqueduc date de la fin de ce siècle, voire même du début du IIe s.. De même, les avis divergent à propos de la mise en place d'un nouveau réseau d'égouts que C. Gébara (2003, 298) place également, vers le milieu du Ier s., alors que pour L. Rivet et ses collaborateurs. (2000, 384) aucun égout collecteur public traversant la ville ne peut être attribué à une époque antérieure aux années 70. ». De leur côté, G. Fabre et J.-L. Fiches dans le compte rendu (2003) qu'ils font de ces travaux pensent à une date intermédiaire : les années 70. Ils concluent à l'opportunité de mettre en place un programme de fouille dans un remblai susceptible de fournir des indices précis : comme le suggèrent les auteurs de l'Atlas (Rivet et al. 2000, 384) : effectuer une fouille dans « l'épais remblai consécutif à la construction de l'aqueduc qui constitue l'esplanade comprise entre le mur de dérivation du canal et l'angle nord de l'enceinte qui la retient : immanquablement, le matériel le plus récent fixerait assez précisément cette date. ».

Pour échapper aux risques du raisonnement circulaire quand on ne dispose pas de dates absolues, les auteurs de la monographie sur l'aqueduc de Fréjus ont recherché une solution dans une datation des matériaux utilisés. La datation de la pierre n'est pas impossible quand on connaît la carrière d'extraction et quand on en effectue la fouille. Les récents travaux sur la carrière du Pont du Gard à de l'Estel à Nîmes en apportent une preuve. Mais il s'agit d'un cas exceptionnel. La datation des mortiers n'est pas impossible, mais elle n'est pas encore au point. Dans ces conditions, ils se sont tournés vers les briques utilisées dans la réfection de certains parements. L'archéomagnétisme donne plusieurs dates entre lesquelles il faut choisir. Celles qui ont été obtenues permettent de dater ces réfections des années 2000 (Lanos in Gebara et al. 2002, 225-232).


Les aqueducs de Lyon

À Lyon, la datation des quatre aqueducs de la colonie pose des problèmes du même ordre. Compte tenu de la dimension exceptionnelle de ces ouvrages, on les met en relation avec les deux grands personnages dont le nom est attaché à cette ville : Agrippa, le gendre d'Auguste qui eut en charge l'organisation des Gaules, et l'Empereur Claude dont l'attachement à Lyon où il était né est bien connu. Agrippa avait déjà joué un rôle essentiel dans l'alimentation en eau de Rome en construisant cinq aqueducs : en 33 av. J.-C. l'Aqua Julia, puis, après 27, sous le nom d'Augusta, -car il agissait au nom d'Auguste-, une branche de l'Appia, une autre branche de la Marcia et l'Alsietina et enfin, sous son nom propre, la Virgo. Exploitant ces circonstances historiques, C. Germain de Montauzan avait proposé de dater l'aqueduc du Mont d'Or de 20 av. J.-C. et de 10 ap. J.-C. celui de l'Yzeron. L'aqueduc de la Brévenne daterait de Claude.

Le quatrième, l'aqueduc du Gier, était daté d'Hadrien sur la foi d'une inscription posée sous le règne de cet Empereur pour protéger la canalisation, la Pierre-de-Chagnon. Les arches des ponts de cet aqueduc avaient des parements en appareil réticulé coupé d'arases de briques. Cet appareil que l'on trouve en Italie Centrale et centro-méridionale ainsi qu'à Rome au Ier s. av. et au Ier s. ap. J.-C. n'a guère été utilisé dans les provinces. Son emploi dans la construction de la villa Hadriana de Tivoli sous Hadrien apparaît comme une confirmation de la date supposée par C. Germain de Montauzan.

La chronologie de cet ouvrage a été totalement remise en question par les fouilles du Verbe Incarné sur le plateau de la Sarra. Celles-ci ont montré que, contrairement à ce que l'on croyait, l'urbanisation de ce secteur était dense au Ier s. et qu'y existait dès le règne de Tibère un grand sanctuaire du culte impérial. La dédicace à Claude d'une fontaine public a été considérée comme un témoignage en faveur d'une arrivée de l'aqueduc à cette époque.

Elle peut cependant être antérieure. Inversant la chronologie admise, A. Desbat (1992) a franchi le pas en suggérant que la construction de cet ouvrage pouvait être mise à l'actif d'Agrippa. Il s'agirait donc du premier aqueduc de Lyon, construit dès l'époque d'Auguste par Agrippa, le seul qui ait été capable d'« alimenter le sommet de la colline de Fourvière, où se développe le cour de la nouvelle capitale. Comme l'observe A. Desbat, à peu près les mêmes arguments étaient invoqués à l'appui d'une datation sous le règne de Claude. Celui-ci aurait bien joué un rôle dont atteste les travaux entrepris sous son règne. Mais il se serait contenté de le restaurer. Son argumentation ne fait pas l'unanimité. Nous ne discuterons pas plus longtemps du cas de Lyon pris seulement ici comme exemple des difficultés que l'on rencontre et de l'ambivalence de l'argumentation utilisée pour dater un aqueduc à partir des techniques de construction et des contextes urbains.


L'aqueduc de Nîmes

Il a été à plusieurs reprises fait références à l'aqueduc de Nîmes. Sa datation était un des objectifs de la recherche archéologique programmée dont il a fait l'objet dans les années 1986 à 1990. L'étude qui a été conduite sur plusieurs années et en plusieurs points du tracé est combinée avec celle de l'architecture et prend aussi en compte la chronologie relative fournie par l'analyse des dépôts carbonatés. Au total, J.-L. Fiches et J.-L. Paillet (2000, 407-421) proposent une analyse très fine qui aboutit à distinguer six périodes successives : réglage, fonctionnement optimal, interruption de l'entretien et dégradation, restauration, fin du fonctionnement et abandon, aménagement postérieur et destruction. Comme ils le soulignent, le plus difficile est le calage de cette chronologie relative. La mise en évidence de contextes stratigraphiques sur ce type d'ouvrage linéaire demandait, outre de la chance, beaucoup de patience et de persévérance et leur exploitation une excellente connaissance des productions des céramiques régionales, de la céramique commune et des amphores. Ces deux conditions étaient réunies. À l'issue de trois campagnes de fouilles, leurs auteurs (Fiches et al. in Fabre et al. 2000, 330-353) ont conclu que l'ouvrage n'est vraisemblablement pas d'époque augustéenne, comme on le pensait généralement. Il est plus récent d'un demi-siècle et datable de la fin du règne de Claude ou du début de celui de Néron.

Les résultats de cette recherche inversent donc la relation habituelle dans les systèmes de datation entre la ville et l'aqueduc qui l'alimente : dans le cas, de Nîmes les données chronologiques directes sont suffisantes pour se dispenser de contextes urbains incertains.


L'aqueduc d'Arles

Ce qui a été écrit sur l'aqueduc d'Arles montre que sa datation pose des problèmes du même ordre. Son alimentation était assurée par une pluralité de captages aboutissant à des canaux fonctionnant comme des collecteurs. Il était logique de le dater des premiers temps d'une colonie qui bénéficia des faveurs particulières de l'Empereur Auguste. Un certain nombre de données archéologiques ont paru confirmer une date qui paraissait de s'imposer plus encore que pour Nîmes, ville qui n'a jamais accédé au statut de colonie romaine. La première est l'observation de l'appareil des ouvrages d'art dont il reste des éléments au Vallon des Arcs, site à l'amont duquel convergeaient les deux branches de l'aqueduc. A priori, rien n'interdit de les dater de l'époque des monuments augustéens d'Arles. Il en va de même de son parcours urbain. Une telle datation apparaît cohérente avec le résultat des fouilles effectuées en deux endroits au village du Paradou, à l'aval duquel était constituée la branche sud de l'aqueduc. Le specus maçonné apparaissait dans un lotissement en construction où il a fait l'objet d'une fouille de sauvetage. Quelques centaines de mètres à l'amont (est) de ce site, une seconde fouille de sauvetage, à La Burlande, a conduit à la découverte d'un bassin en grand appareil assurant la convergence de deux conduits dont les eaux se déversaient dans une canalisation également en grand appareil qui se dirigeait vers le specus maçonné. La date de cette installation hydraulique est donnée par l'ouvrage routier sous lequel passait cette canalisation : un pont construit dans le même appareil sur le tracé de la voie aurélienne dont les milliaires trouvés sur cette partie de son tracé nous assurent qu'elle fut construite au début de l'ère. Mais quelques dizaines de mètres séparent cette conduite constituée de blocs de molasse taillés en U et la conduite maçonnée découverte dans le lotissement voisin. À cet endroit, la présence de la route interdit d'espérer pouvoir un jour observer la relation entre les deux conduits. De ce fait, il est impossible d'accorder aux découvertes de la Burlande un rôle décisif dans la datation de la branche orientale de l'aqueduc d'Arles. Entre les deux canaux a pu exister un second bassin assurant la convergence entre le conduit en grand appareil de La Burlande et le conduit maçonné reconnu à l'amont, qui, venant d'Entreconque, est considéré comme le conduit principal. Mais compte tenu de l'ancienneté et de l'importance de l'occupation antique sur ce site, il est tout aussi possible que ces deux ouvrages aient conservé leur indépendance.

Une datation augustéenne ne paraît en effet pas s'accorder avec les résultats obtenus par la fouille du bassin où convergeaient les deux branches de l'aqueduc à l'amont du franchissement de la vallée des Baux. Cette fouille a montré que la construction des moulins de Barbegal au début du IIe s. avait entraîné la séparation des deux conduits. Si l'on en croit le sédimentologue qui a étudié les dépôts carbonatés correspondant à la période précédant cette séparation, l'aqueduc daterait du règne de l'Empereur Claude (Guendon à paraître).


Conclusion

La question des parcours urbains des aqueducs a été abordée dans la dernière partie de cet exposé pour des raisons qui s'imposaient. La ville constitue la destination de ces ouvrages. Des sources ont été captées et utilisées bien avant que les villes aient été bâties ; des canaux d'adduction ont été construits pour ravitailler des habitats ou irriguer des champs. Mais il n'existe pas d'aqueduc urbain sans ville. L'essentiel du sujet traité été l'apport de l'archéologie rurale à la connaissance des aqueducs. Il s'agissait de montrer la spécificité de ce type d'approche par rapport à celle de l'architecte et à celle de l'ingénieur. Cet exposé autorise deux conclusions principales. La première est la constatation des progrès réalisés et de ceux qui restent à accomplir. Nous manquons de monographies d'un niveau comparable à celle dont les aqueducs de Cologne et de Nîmes ont fait l'objet. Certes, la bibliographie est abondante. Mais ce qui manque dans les autres études, c'est un bon calage chronologique et la précision du relevé topographique. Le passage que T. Hodge consacre au pont du Gard en donne un bon exemple. Une grande partie d'un raisonnement conduit sur le tracé perd de son intérêt à la suite d'une révision de la topographie à l'amont. En ce sens, la voie à suivre est celle dont l'efficacité a été démontrée par K. Grewe. On voit comment pourrait être réalisé par rétroaction une sorte de « cahiers des charges » ou un devis quantifiant les travaux de terrassement et de maçonnerie et permettant d'établir des coûts. D. R. Blackman et A. T. Hodge (2001) se sont avancés dans cette direction.

La seconde série de conclusions porte sur l'exploitation des données fournies. Deux de ses formes ont attiré notre attention. La première est l'histoire des grands travaux hydrauliques permise par les modifications de tracés induites par la construction des ponts, le creusement des tunnels et l'implantation d'escaliers hydrauliques. La seconde porte sur les conflits d'usage qu'une étude fine des canalisations permet d'aborder. C'est évidemment cette dernière qui présente pour moi le plus d'intérêt.


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[1] Le cas de la canalisation sous fluviale d'Arles reste une exception. Rappelons que les siphons des ouvrages anciens exploitent le système des vases communiquants. Il s'agit de siphons en U et non des siphons actuels..

[2] On se reportera à la précieuse « Fiche d'identité de l'aqueduc » qui figure au début du volume dirigé par Fabre, Fiches et Paillet (2000).


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